Trois solutions de transition pour la decarbonation du fluvial d’ici 2035
Le chemin à suivre pour la « décarbonation » de la filière fluviale apparaît assez clair d’ici 2035 autour de trois solutions mais avec encore plusieurs options ouvertes à l’horizon 2050. C’est le principal enseignement du nouveau webinaire « Vert le fluvial » de VNF organisé le 17 mars 2023 et de l’étude Fluent, à laquelle E2F est partie prenante,qui se poursuit jusqu’à la fin de cette année.
« L’étude Fluent est une démarche scientifique pour poser les balises du meilleur chemin possible de la filière fluviale vers la « décarbonation », a indiqué Thierry Guimbaud, directeur général de Voies navigables de France (VNF), en introduction du webinaire. « Nous proposons aujourd’hui de mettre en visibilité pour les acteurs, publics et privés, le chemin long, compliqué mais indispensable qui va mener à une « décarbonation » totale ».
« L’enjeu est essentiel. Aujourd’hui, le transport fluvial a encore un avantage compétitif certain en matière de « décarbonation » au volume transporté. Mais cet avantage va être remis en cause très rapidement avec l’évolution de tous les secteurs du transport. Si on ne veille pas à innover, à inventer des solutions, à définir un chemin, une feuille de route, cet avantage-là sera perdu. Aujourd’hui, nous préparons 2050. Et 2050 pour le fluvial, cela se joue maintenant, en progressant pas à pas ».
Les enseignements de l’étude Fluent
L’IFPEN a été choisie par VNF pour la réalisation de l’étude Fluent. Ses résultats, présentés lors du webinaire, sont issus des travaux d’analyse menés sur le bassin Rhône-Saône. Elle se décline désormais sur celui du Nord-Pas-de-Calais et de la Seine puis va s’étendre aux autres bassins. Elle doit s’achever à la fin de cette année 2023.
Joris Melgar, chef de projet à l’IFPEN a précisé :
- « Dans nos résultats, on observe que le choix du vecteur énergétique est le levier principal pour la « décarbonation », le choix de l’architecture n’a pas d’impact significatif.
- Un changement de carburant est plus efficace que l’hybridation. Ce qui ne veut toutefois pas dire que l’hybridation n’est pas utile car elle permet aussi de se projeter et de s’orienter vers des solutions « décarbonées ».
- Il faut d’abord travailler sur le choix du vecteur énergétique. La biomasse est l’une des bonnes réponses pour la « décarbonation » avec des carburants pouvant être utilisés sur des moteurs existants.
- Quand on raisonne sur un périmètre cycle de vie, notamment du puits à l’hélice, la biomasse permet de capter du CO2 de l’atmosphère, on se retrouve avec des solutions pertinentes d’un point de vue des émissions de gaz à effet de serre qui proviennent des carburants bio-sourcés ».
« C’est facile pour 2035, plus flou pour 2050 »
« L’étude Fluent se poursuit pour améliorer les futurs scénarios notamment sur l’hybridation, mieux la préciser, la prise en compte des autonomies, des encombrements, du poids. Ce sont des points sur lesquels on travaille actuellement pour des scénarios de verdissement de la flotte encore plus précis que ceux que nous avons déjà dégagés », a indiqué Cécile Cohas, chargée de recherche et innovation à la DT VNF Rhône-Saône.
Elle poursuit :
- « En ce qui concerne les actions opérationnelles suite à cette étude, elles vont être déclinées dans le cadre des engagements pour la croissance verte portés par l’État. Nous, nous en retirons des recommandations pour la « décarbonation » à partir des différentes modélisations.
- C’est facile pour 2035, un peu moins évident pour 2050. Sachant qu’en 2035, l’objectif est – 35 % des émissions de GES et de polluants locaux à l’échappement alors qu’en 2050, l’effort de « décarbonation » c’est -90 % sur les GES et les polluants locaux.
- On va s’inscrire dans un mix énergétique, selon l’usage des bateaux, c’est certain. Pour un bateau de plaisance, les choix ne seront pas les mêmes que pour un automoteur. Pour une navigation en ville, les choix ne seront pas les mêmes que pour des trajets longue distance ».
Trois solutions d’ici 2035
Ces préalables étant rappelés, Cécile Cohas a indiqué les trois piliers de la « décarbonation » du fluvial d’ici 2035 :
- Le branchement à quai des bateaux, l’installation de bornes est en cours (voir encadré). Cela « permet de diminuer de manière drastique les émissions de GES et de polluants locaux ».
- L’écoconduite ou écopilotage : adapter la vitesse aux contraintes de l’infrastructure et à l’état du trafic pour éviter une surconsommation de carburant.
- L’utilisation des biocarburants, des biomass to liquid (BTL) dont le HVO notamment. « Ce sont des biocarburants qui existent et sont prêts pour la profession », a relevé Cécile Cohas, rappelant que le HVO permet une réduction de 90 % des GES mais que des mesures et analyses sont en cours concernant les polluants locaux. « Notre objectif est de réussir à capter ces carburants pour la profession fluviale, un secteur de petite taille ». Il y a aussi un travail en cours pour lever les contraintes fiscales et douanières pour une utilisation dans le fluvial de ces BTL.
Des précisions sur les BTL et HVO
Concernant les bio-carburants (ou carburants bio-sourcés) :
- Il s’agit de ceux de « deuxième génération », c’est-à-dire issus du retraitement de déchets de biomasse auxquels on donne ainsi un usage de seconde vie. Ce sont des déchets de bois, de scierie, agricoles, mais aussi d’huiles de cuisson usagées, de graisse animale.
- Il ne s’agit pas des bio-carburants de « première génération » qui utilisent des produits cultivés (betterave, colza…) sur des terres agricoles. Il n’y a donc pas compétition avec les besoins pour l’alimentation.
L’intérêt des BTL et HVO est triple :
- Disponibilité de la ressource (déchets de biomasse),
- Maturité industrielle,
- Compatibilité avec les motorisations existantes.
Mais il reste plusieurs difficultés à lever :
- Organiser la collecte de la ressource (déchets de biomasse), et son acheminement jusqu’au lieu de production,
- Développer une production industrielle, aujourd’hui encore limitée,
- La concurrence entre les différents modes de transport, tous engagés dans la « décarbonation » et qui ont pris conscience de l’intérêt de ces bio-carburants. Sachant que la filière fluviale n’a pas le même « poids » en termes de besoins que les autres.
Parmi les autres solutions évoquées, « le méthanol présente un rendement énergétique très intéressant pour le secteur fluvial. En revanche, il y a un risque à définir et à maîtriser en cas de déversement de méthanol qui peut remettre en cause la potabilité de l’eau. Une étude de risque complète doit être réalisée ».
Téléchargements :
– Consulter le programme et les présentations du webinaire #4 Vert le fluvial 2023
– Etude FLUENT – Rapport complet
Source : NPI